dimanche 27 mai 2012

Le bon présage

Au large du Maroc. le 10 mai 2012

Le vent semble se calmer un peu, mais la mer reste bien formée. La barre est assez dure et j'aurais apprécié un peu de répit. Maxime dort à l'intérieur. Il n'est pas encore 10h du matin, je n'imaginais pas que nous aurions été si rapides, la traversée a semblé longue, suffisamment longue. Le soleil brille, sèche mes vêtements et me réchauffe un peu, je ne grelotte plus. A la barre de Tara Tari, je commence à réaliser que nous sommes enfin arrivés dans l'océan Atlantique. L'air est plus chaud et une bonne odeur de terre arrive à bord. Odeur des terres marocaines, c'est agréable en mer de sentir la terre. 
Quelques rafales auraient pu me faire râler un peu, "allez, soit cool, l'océan, calme toi un peu!" Et alors que je n'ai pas encore décidé si j'allais râler ou pas, une cinquantaine de dauphins surgit soudainement autour de Tara Tari!

Ils sont magnifiques. Enfin ils sont certainement comme tous les autres dauphins, mais ils sont si nombreux, si enthousiastes qu'un sourire vient gommer ma grimace de ras-la-coque-les vagues. Ils doivent être en chasse: ils sautent haut au dessus de l'eau, plus haut que les chandeliers de Tara Tari! Le spectacle est magnifique! Ils m'éclaboussent! Le bon côté d'être si bas sur l'eau! Ils jouent avec l'étrave, se dandinent à toute vitesse sous la coque, vont, viennent, repartent et reviennent. Je ne sais plus où donner de la tête. J'appelle Maxime, mais il dort profondément. Je n'ai pas l'appareil avec moi, et la mer est trop agitée pour que je puisse laisser la barre se débrouiller toute seule; nous repartirions au lof à la première occasion. Tant pis, "c'est pour nous, TaraTari! Merci les dauphins!" Ils fêtent notre arrivée en Atlantique, j'en suis sure. Comme nous avons une bonne vitesse, ils n'ont pas le temps de s'ennuyer; ils nous accompagnent 45 minutes et je n'en perds pas une éclaboussure. Les marins ont l'habitude de voir les dauphins, mais on ne se lasse jamais de leur show quand ils viennent s'amuser avec la coque.

Et puis le vent et la mer se détendent enfin. Nous sommes au portant et tout va bien. A l'avant du bateau sur la ligne de vie qui sert de renvoi de barre (pour barrer depuis l'étrave) un drôle d'oiseau vient de se poser. Je suis toujours assise à la barre, tente de me mettre un peu sur le côté pour faire sécher mon pantalon et mes fesses par la même occasion.

Il m'intrigue cet oiseau! D'où sort-il? nous sommes assez loin de la côte. Je le regarde sans bouger. Au portant, le foc ne tient pas vraiment en place, hésite entre une amure ou l'autre. Et à chaque hésitation de la voile, le pauvre oiseau est décoiffé. L'oiseau est une huppe fasciée. Drôle de nom, il n'a pas dû pouvoir le choisir, pauvre bête. Mais plus drôle encore que son nom, est la scène qui se déroule sous mes yeux: il porte une crête sur la tête, alors la voile en passant dresse son étrange mèche. Plus de 20 fois, l'oiseau se décoiffe et se recoiffe au passage de la voile. On dirait un petit jeu entre eux. "même pas mal" l'oiseau ne bouge pas, les pattes posées sur le bout, complètement indifférent aux taquineries du petit foc.
Huppe Fasciée à bord de Tara Tari
La Huppe Fasciée (je mets des majuscules car c'est son nom) est un oiseau plein de symboles. La Huppe Fasciée est une protection contre le mal. Les Africains se servent de ses plumes comme talismans contre le mal; les Egyptiens ont fait de cet oiseau un hiéroglyphe que l'on retrouve aux pieds de certaines pyramides; le Coran dit que le "hudhud", la Huppe, était messagère entre le Roi Salomon et la Reine de Saba, et qu'elle est protectrice contre le mauvais oeil; et c'est aussi un oiseau reconnu comme oiseau national de l'Etat d'Israel. En France, je sais qu'on dit surtout que son nid est une puanteur.... je préfère me référer au point de vue Africain.

Un oiseau qui symbolise la protection contre le mal, posé sur la ligne de vie de Tara Tari, je trouve le symbole heureux. Une petite heure plus tard, l'oiseau s'envole. Un peu plus tard, toujours seule sur le pont, je me déplace à l'avant, barrant avec le bout sur lequel se tenait la Huppe.. Et je découvre alors posée sur le pont de jute et sous le bambou amarré, une petite plume. Une plume de Huppe, talisman reconnu par certaines cultures africaines. Elle aurait eu le temps de s'envoler en profitant des risées matinales, mais non, elle est là. J'ai passé beaucoup de temps dans un village de brousse au Burkina Faso, je sais que les talismans ne sont pas pris à la légère. Alors je prends la petite plume et la place délicatement dans mon carnet. Je regarde le ciel où vole l'oiseau et l'Afrique, et remercie la Nature pour ce que je prends comme un doux présage. Présage, manifestation des dieux, quels qu'ils soient, sur l'avenir.

la petite plume offerte par la Huppe Fasciée
On dit les marins superstitieux. Je ne sais ni si je suis un marin ni si je suis superstitieuse, mais je prends cette plume comme un petit trésor. Comme la prière d'Angel, à mon départ de Gibraltar: il faut prendre ces bonnes intentions que la vie nous propose, quelles qu'elles soient. Tout simplement.

Une plume d'oiseau,
Tel est notre cadeau,
Un bon présage
à notre arrivée dans l'océan Atlantique.

Être attentif aux signes,
c'est important.
Capucine

2 commentaires:

  1. Merci infiniment pour votre article, qui "tombe à pic" si je puis dire. Vous avez répondu trés exactement aux questions que je me posais sur le symbolisme de la Huppe, et sur l'usage de ses plumes. Trés régulièrement, j'ai des rendez vous magiques avec ces oiseaux, qui font semble t'il partie de mon chemin, et pour la deuxième fois de ma vie j'hérite de la presque totalité des plumes de l'un d'entre eux. Aujourd'hui, une Huppe s'est faite percuter devant moi, est morte "dans mes yeux" et ses plumes m'ont été offertes. Alors, j'ai voulu comprendre. Qu'à t'elle à me dire, cette Huppe, que veut elle donc me transmettre? Je vais donc confectionner des petites choses....en l'honneur de ces oiseaux dont on parle même dans le saint Coran. Merci infiniment chère messagère...<3 Aurore

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